Et si le cèdre de l'Atlas disparaissait…

Publié le par Mohamed Badrane

Le cèdre est-il aujourd'hui menacé dans notre pays? La réponse est bien évidemment oui. Cela peut paraître a priori exagéré, mais la situation sur le terrain est préoccupante.

 

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le centre de la recherche forestière a choisi de placer l'écosystème cédraie au centre des débats lors des troisièmes assises de la recherche forestière qui se sont déroulées jeudi dernier à Khénifra. «La liste de recommandations qui sera établie à la fin de cette rencontre ne doit pas rester lettre morte. Nous devons tous veiller à la mise en application de toutes les recommandations» , c'est en ces termes que Abdeladim Lhafi, le Haut commissaire aux Eaux et Forêts et à la Lutte contre la désertification, a entamé son allocution.

Les participants à cet événement ont évoqué les principaux défis auxquels fait face la cédraie dans notre pays. En effet, le cèdre de l'Atlas est aujourd'hui menacé à cause d'une exploitation à outrance qui prend plus d'ampleur d'année en année.

Pis encore, seuls les responsables au sein du Haut commissariat aux Eaux et Forêts semblent faire face aux dangers qui guettent la cédraie.
Ainsi, les troisièmes assises de la recherche forestière ont été l'occasion pour dresser un état des lieux. Malheureusement, les constats sont alarmants. Par la multiplicité des fonctions qu'elle assure, la cédraie reste soumise à des pressions multiformes. Surpâturage, dépérissements, les délits forestiers, ce sont là autant de contraintes qui entravent aujourd'hui la pérennité de la cédraie.

Même si les changements climatiques menacent sérieusement les forêts, les comportements de l'homme représentent la première source du danger. Première contrainte : le surpâturage. En effet, les massifs du Moyen Atlas abritent plus de 2,6 millions de têtes de bétail qui y pâturent pratiquement toute l'année. Cet effectif représente trois fois la charge animale pouvant être supportée par la forêt. Dans cette région, les éleveurs autrefois transhumants, se sédentarisent, ce qui a fortement réduit les superficies des terrains de parcours collectifs.

Cette tendance a entraîné un surpâturage des écosystèmes à travers les pratiques généralisées d'écimage et d'ébranchage des cédraies. D'autres contraintes qui pèsent sur le cèdre de l'Atlas ont plutôt un caractère criminel. Ces dernières années, des bandes organisées et très dangereuses qui s'activent essentiellement dans le Moyen Atlas, se livrent à un commerce très lucratif au détriment de l'équilibre de l'écosystème dans la région.

Crime organisé
Il est connu que les massifs de cette région montagneuse font l'objet d'un prélèvement excessif en bois de feu. Ces prélèvements dépassent même de trois fois les possibilités des forêts ! De même, la cédraie reste sujette à des prélèvements de bois de service et bois d'œuvre. Dans la plupart du temps ces prélèvements sont le plus souvent pratiqués par des criminels, animés par une avidité qui menace le devenir de la cédraie. Et alors que le commerce clandestin du bois du cèdre s'organise, la lutte contre ces bandes criminelles peine à s'organiser. Pour certains, les moyens de lutte ne sont pas suffisants alors que pour d'autres, certains agents d'autorité dans la région du Moyen Atlas se montrent très… indulgents.

Il est cependant difficile de trancher sur la véracité de ces deux versions, mais une chose est sûre : la cédraie est plus que jamais menacée. C'est pourquoi, tous les acteurs concernés doivent se mobiliser pour protéger cette richesse qui appartient à tous les Marocains. Dans ce sens, plusieurs projets basés sur une approche participative ont été initiés par le Haut commissariat aux eaux et forêts. Ces projets impliquent notamment les habitants du Moyen Atlas afin de concilier entre les impératifs de la pérennité de l'équilibre de l'écosystème cédraie et les exigences du développement local.

L'initiative du Haut commissariat a abouti à l'élaboration des contrats programmes avec 20 coopératives groupant 1.300 adhérents, assurant un revenu mensuel de 1.760 DH par coopérateur. Mais cela est-il suffisant ? La protection des biens forestiers contre tous les délits, nécessite l'adhésion de toutes les parties prenantes.

«La démarche du Haut commissariat se base essentiellement sur plusieurs points. D'abord, l'esprit de l'initiative à travers la réalisation de projets qui tiennent en compte les obstacles sur le terrain. Ensuite, la culture de la responsabilité puisque chaque projet est piloté par un responsable.
Enfin et surtout, la culture de l'évaluation, car les responsables de chaque projet sont tenus de rendre des comptes», explique Abdeladim Lhafi. Mais les efforts du Haut commissariat doivent s'accompagner d'une implication plus forte des autorités locales.
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L'écosystème cédraie

Le cèdre de l'Atlas, essence noble, couvre 134.000 ha, et constitue une richesse sur les plans écologique, économique, social et culturel, ce qui lui confère une importance particulière au Maroc. La cédraie est un enjeu stratégique pour notre pays, tant sur le plan écologique que socio-économique. La présence d'écosystèmes d'importance mondiale, d'une espèce symbole de la Méditerranée appréciée pour ses valeurs économiques, écologiques sont actuellement autant de facteurs qui ont conduit à la création de deux parcs nationaux (Parc national d'Ifrane et celui du Haut Atlas oriental) dans la perspective de création d'une réserve de biosphère cédraie sur une superficie de 500.000 ha.

La cédraie marocaine représente la principale source de production de bois d'œuvre en participant à hauteur de 80% à la production nationale. De plus, la filière assure annuellement un équivalent travail de l'ordre de 6,5 millions hommes-jour dégageant un revenu de l'ordre de 353,4 millions de DH. Par ailleurs, le Moyen Atlas, considéré comme le «château d'eau» du Maroc est le point de départ de 40% des ressources en eaux superficielles du pays.

 

 

 

 

Par Mohamed Badrane | LE MATIN

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K
Cet article soulève de vrais problèmes. Je ne connais pas spécifiquement (en dehors de ce que j'ai lu) les problèmes du cèdre au moyen atlas, mais on pourrait transposer le problème dans bon nombre de pays en changeant le nom de l'essence concernée. Et j'ai bien peur que nos problèmes ne fasse que commencer... La planète est en danger... à cause de l'homme.
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